mardi 18 novembre 2025

La bataille de Vertières: la victoire par antonomase


La bataille de Vertières, survenue le 18 novembre 1803, est l'un des événements les plus décisifs de l'histoire haïtienne et a marqué la fin de la guerre d'indépendance contre la France. Cette bataille s'est déroulée dans la région de Vertières, située au nord d'Haïti, près de la ville de Cap-Haïtien. Elle a joué un rôle crucial dans la victoire des forces indépendantes menées par Jean-Jacques Dessalines contre l'armée coloniale française.

À cette époque, Haïti, alors connue sous le nom de Saint-Domingue, était le théâtre d'une guerre acharnée entre les révolutionnaires haïtiens et les troupes françaises de Napoléon Bonaparte. Après des années de luttes et de soulèvements, la bataille de Vertières est devenue le point culminant de la rébellion.

Jean-Jacques Dessalines, qui était un leader emblématique de la révolution haïtienne et l'un des principaux généraux de l'armée indépendantiste, a dirigé ses troupes avec une détermination farouche. L'armée haïtienne, composée principalement de soldats noirs et affranchis, a affronté les forces françaises avec une bravoure impressionnante, malgré l'absence de soutien matériel adéquat et les conditions difficiles sur le terrain.

La bataille de Vertières s'est caractérisée par des combats intenses et une stratégie habile de la part des leaders haïtiens. Dessalines a réussi à repousser les forces françaises, qui étaient dirigées par le général Rochambeau, et a infligé une défaite décisive à l'armée coloniale. Cette victoire a eu des répercussions profondes, car elle a scellé le destin de la colonie française et a ouvert la voie à la déclaration d'indépendance d'Haïti.

Le 1er janvier 1804, après la victoire de Vertières et les dernières opérations militaires pour sécuriser le territoire, Haïti a proclamé son indépendance, devenant ainsi la première république noire libre du monde et la première nation à abolir l'esclavage. La bataille de Vertières reste aujourd'hui un symbole puissant de la lutte pour la liberté et l'indépendance, et elle est célébrée avec fierté dans l'histoire haïtienne comme un moment fondateur de la nation.

On dit que la neuvième édition du dictionnaire de l'Académie française, actuellement en cours d'achèvement, fera mention de Vertières sous le mot Victoire, à l'initiative de Dany Laferrière... Si c'est le cas, Vertière deviendra, en français, la victoire par antonomase.

jeudi 13 novembre 2025

13 novembre, dix ans après

Aujourd'hui Paris commémore le massacre du 13 novembre 2015 par plusieurs initiatives. La plus immédiate et sans doute la plus efficace pour ceux qui se trouvaient ce jour-là à Paris est la possibilité offerte par la Mairie de Paris de se rendre sur Place de la République pour déposer un objet, un billet où une fleur. 

La place était devenue une espèce de mémorial improvisé à l'époque des trois attaques de 2015, c'est pourquoi  maintenant et jusqu'à dimanche 16, chacun est appelé à se recueillir aux pieds de la statue de la République. La même place héberge également un grand écran diffusant en direct les images de la cérémonie officielle, assez spectaculaire et comptant sur les contributions de plusieurs artistes.

En ce moment, un dessin animé passe dans les salles: La vie de château. Mon enfance à Versailles. C'est l'histoire d'une enfant qui vit dans le château de Versailles avec son oncle. Cette enfant est pupille de la nation parce que ses parents ont été tués dans un attentat. On la voit bien passer devant le mémorial improvisé Place de la République. Je trouve que c'est une manière très délicate et efficace pour que les enfants se rendent compte des conséquences concrètes de ces évènements marquants qui risquent sinon de demeurer très abstraits pour eux. C'est aussi une bonne occasion pour en parler en famille. Bonne vision!

lundi 3 novembre 2025

Girard et mémoire de maîtrise


Aujourd'hui je voudrais commémorer l'anniversaire de la mort de René Girard, un philosophe qui a profondément marqué le travail que j'ai fait pour mon mémoire de maîtrise, le siècle dernier, à l'université de Parme. Mon mémoire de maîtrise était consacré à la notion d’altérité dans les œuvres de Daniel Pennac. J’ai articulé mon analyse en quatre parties:

1. La figure du bouc émissaire comme l’autre par excellence.

2. “L’autre personnage”

3.L’intertextualité comme une relation avec un autre écrivain

4. L’utilisation du langage dans les romans (notamment l’utilisation de l’argot comme un langage-autre) et d’autres démarches aliénantes, tels les jeux de mots, l’identité glissante du narrateur, les changements de style.

Dans Le Bouc émissaire, René Girard explore le mécanisme de la violence collective à travers le concept du bouc émissaire. Il montre comment les sociétés projettent leurs tensions et conflits internes sur une victime innocente, perçue comme responsable des troubles. Ce processus, qu'il relie aux mythes et rituels religieux, permet de restaurer la paix sociale en éliminant la victime. Girard examine aussi le rôle des textes bibliques, qui, selon lui, révèlent et dénoncent ce mécanisme. Il propose ainsi une relecture anthropologique de la violence et du sacré dans les cultures humaines. 
J’ai démontré que, loin d’avoir constitué simplement une source d’inspiration pour Pennac, cet essai a structuré profondément la série Malaussène. Les notions philosophiques élaborées par Girard et visant à démontrer que le Christ a renversé le mécanisme qui produit le bouc émissaire (qui devient une figure positive, celle de l'agneau) ont été utilisées par Pennac comme des contraintes littéraires.

Après cette démonstration, j'ai procédé dans l'analyse du thème du double, qui est examiné par Girard dans son essai et est très présent dans les œuvres de Pennac. J’ai appliqué la notion d’aliénation aux personnages dédoublés. Je me suis occupée ensuite de l’exclusion des personnages pennaciens. La différence est souvent stéréotypée chez Pennac, ce qui m’a permis une excursion à propos de l’usage des stéréotypes et des archétypes dans ses œuvres. L’archétype est exploité comme une image, ce qui implique une relation d’altérité avec ce qui est représenté dans l’image, le personnage qui se cache derrière l’image archétype.

Umberto Eco a défini la production en série comme pur mythe pour deux raisons: la répétition de l'identique, et le fait que les représentations en série sont en général figuratives. Une fois apprécié le mythe, il s'ouvre selon Eco une deuxième possibilité au lecteur/spectateur: celle de juger la forme esthétique de l'objet proposé, c'est à dire la variation sur thème mythique. Ce qui importe sont les techniques de variation, mais une variabilité infinie n'est qu'une répétition cyclique et mythique. Les appellations tout à fait semblables aux épithètes de l'épique classique, ou les reprises de formules similaires, comme si chaque roman était un long poème à apprendre par cœur sont fréquentes dans les œuvres de Pennac. Ce qui rend "autres" ces formules par rapport au genre épique et à la forme mythique sont les contenus de ces épithètes, souvent ironiques dans le cas de Pennac.

Le rapport ludique de Pennac avec le texte rend insaisissables les limites entre les différents niveaux textuels, et confond le lecteur qui veut savoir qui est en train de narrer et pourquoi, en donnant ainsi l'impression, à la longue, d'un texte qui se fait tout seul et qui se dit tout seul, d'un texte mythique.
La conclusion montre que les aspects de l'altérité que j'ai analysés ont de strictes rapports réciproques par le biais du mythe. Le thème principal de l'œuvre de Pennac sont les rapports de domination que l'auteur analyse d'un point de vue mythique et rituel. Pennac dévoile souvent les mythes et les rites qui sont à la base des comportements sociaux, parce que dans un contexte littéraire postmoderne les savent reconnaître un mythe dans sa forme codifiée, et ils s'en méfie en tant que genre littéraire. D'autres fois, l’auteur dissimule la structure mythique de ses propres narrations, empêchant ainsi au lecteur de mettre son apparat critique en action. Livré à l’affabulation et à jouissance de l'intrigue, le lecteur ne reconnaît plus le mythe bien qu’il soit hyperconnoté. La structure mythique permet à l’écrivain d’effectuer les "variations sur thème" qui sont typiques de la production postmoderne.